Trois articles retracés dans la presse

apparaissent ci-dessous. Et un reportage-radio.


+ Le Devoir/ 8 octobre 2002
+ Le Devoir/ 9 octobre 2002
+ Le Quartier Libre/ 20 novembre 2002
+ Radio-Canada/ 11 décembre 2002

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Le Devoir
Les Actualités, mardi 8 octobre 2002, p. A1

Des commandos s'attaquent aux camions-pubs
Les Décorateurs engagés veulent faire cesser "la colonisation de l'esprit"

[par François Cardinal]

Les camions publicitaires vous dérangent? Vous n'êtes plus seuls. Le bien-nommé groupuscule les Décorateurs engagés s'est mis dans la tête de faire cesser cette "colonisation de l'esprit". Pour ce faire, ses membres effectuent depuis quelque temps d'audacieux gestes de vandalisme contre ces immenses véhicules dont la seule fonction est de promener des messages publicitaires dans les rues bondées de la métropole.

Le modus operandi du groupe est simple: une personne immobilise le camion-pub en glissant devant lui une planche transpercée de clous. Lorsque le véhicule est arrêté, deux cyclistes masqués l'encerclent puis lancent en sa direction des ballons remplis de peinture à l'huile. La signature finale des vandales consiste à déposer entre le pare-brise et le lave-glace un manifeste expliquant le geste.

"En 2002, peut-on lire, les trottoirs, les murs et le ciel diffusent partout le même mot d'ordre: ACHETEZ. Posez-vous la question: y avait-il jadis autant de slogans autoritaires dans les rues de l'URSS ou de l'Italie de Mussolini? Les panneaux publicitaires sont effectivement des panneaux autoritaires. Nous voulons leur résister. Et aujourd'hui, nous l'avons fait."

Ainsi, la semaine dernière au centre-ville de Montréal, l'entreprise Impact media a été la cible des Décorateurs engagés. Impossible cependant d'avoir plus de détails puisqu'au siège social, on refuse de répondre à nos questions. On confirme néanmoins bien avoir été barbouillé.

Samedi soir dernier, les Décorateurs ont remis ça... mais l'un d'eux s'est fait pincer rue Saint-Denis, dans le Quartier latin, juste avant de commettre l'irréparable. Arrêté par la police pour tentative de méfait, l'homme a été libéré sans mise en accusation. Mais puisqu'il y a eu plainte de l'entreprise visée, une enquête a été ouverte par le Service de police de la Ville de Montréal.

"Nous allons continuer à nous amuser avec ces camions-pubs", menace quand même le groupe dans un courriel envoyé au Devoir, hier. "Et nous invitons la population à faire de même! [...] Si les gouvernements sont incapables de trouver des moyens de réduire l'émission de gaz à effet de serre (GES) dans nos villes, nous nous voyons contraints de le faire nous-mêmes."

Pour les Décorateurs engagés, la présence en ville de ces véhicules publicitaires est pour le moins contradictoire à l'heure où le pays a promis de ratifier prochainement le Protocole de Kyoto. Et non seulement les camions-pubs représentent-ils une source de pollution atmosphérique, mais ils polluent également l'environnement visuel des villes, fait remarquer le groupe.

"Les entreprises achètent nos espaces intimes (les toilettes), les stations de métro, les trottoirs pour tous les couvrir de pub, écrit le groupe. Elles achètent aussi le ciel pour y faire défiler leur message en avion. Les Montréalais sont cernés de tout bord tout côté, et c'est pourquoi nous implorons les gouvernements de créer des zones de protection des espaces vierges, tout comme il existe des zones de protection des espèces menacées."

À la Ville de Montréal, le dossier n'est pas nouveau. L'an dernier, le service du contentieux avait planché sur cette question afin de déterminer si la présence de publicités sur quatre roues dans les rues était légale ou non. En vain. Il semble que les fusions municipales aient relégué ce sujet aux oubliettes.

"Il y a une nébulosité juridique sur cette affaire-là", explique un porte-parole de la Ville, Pierre G. Laporte. L'article 471.2 du règlement d'urbanisme stipule qu'"un véhicule routier ne peut annoncer un établissement, un produit, un service ou un immeuble en utilisant un procédé qui comporte une source lumineuse clignotante ou qui affiche un message lumineux variable". L'ennui, c'est que la Ville ne l'applique tout simplement pas.

"On n'applique pas cet article du règlement parce qu'il y a déjà eu une poursuite sur un règlement similaire dans une ville de l'Ouest canadien et la municipalité avait été déboutée en cour. L'an dernier, on s'était donc demandé si notre règlement était assez fort. La réponse, c'est non."

L'autre raison qui explique le laxisme des autorités municipales est de nature encore plus juridique. "La loi est claire: une ville a le pouvoir de réglementer les véhicules qui ne sont pas en mouvement, précise M. Laporte. Toutefois, il n'est pas clair si la Ville a le plein pouvoir d'agir quand le véhicule est en mouvement."

Pendant ce temps, trois compagnies en profitent: elles font aujourd'hui rouler près d'une trentaine de camions dans les rues des villes québécoises, particulièrement à Montréal. Pressé de questions concernant le mécontentement de certains citoyens, Impact media a refusé de répondre aux journalistes.

Le propriétaire d'Euromobile international, qui n'a pas voulu donner son nom, estime pour sa part que sa compagnie ne pollue pas plus qu'une autre. "C'est toujours de ceux qui sont sur le panier de crabes que l'on parle. Pourtant, les gens polluent puisqu'ils pètent! En plus, ils prennent leur voiture seuls, ils jettent leurs journaux dans les poubelles le matin..."

Chez PR médias, on croit que ce mécontentement n'existe tout simplement pas. Nathalie Beaudoin, l'assistante administrative, a expliqué ne pas avoir reçu plus d'un message ou deux sur la boîte vocale de l'entreprise. Pour ce qui est des clients, jamais ne soulèvent-ils la question de la pollution, précise-t-elle.

Et ils ont bien tort de ne pas le faire, estiment les Décorateurs engagés. "[Ces camions] polluent et colonisent nos esprits. Ils bombardent la population de valeurs et de comportements individualistes et matérialistes. Et du coup, on se demande pourquoi les jeunes filles demandent de nouvelles paires de seins pour Noël et les gais de nouveaux muscles."

 

 

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Le Devoir
Les Actualités, mercredi 9 octobre 2002, p. A2

Les Décorateurs masqués changent de tactique
Les commandos de barbouilleurs laisseront place à des escouades de comédiens pour exprimer leur ras-le-bol de la publicité

[par François Cardinal]

Les Décorateurs masqués n'en resteront pas là. Joint hier par téléphone, un des membres de ce groupe ayant pour cible les camions publicitaires a confié que des actions de désobéissance civile auront bientôt lieu à Montréal. Celles-ci remplaceront les commandos de cyclistes masqués qui ont sévi ces derniers jours en barbouillant de peinture les camions-pubs, comme le rapportait hier Le Devoir

"On ne peut plus faire ce genre de trucs", a indiqué le jeune homme qui a refusé de révéler son identité. "Les compagnies qui opèrent les camions-pubs sont sur les dents depuis qu'on a décoré leurs véhicules, nous nous devons donc de changer de tactique. La prochaine fois, nous allons donc faire des actions plus soft comme immobiliser un camion et organiser autour des mises en scène très imagées. Le but est de faire comprendre aux passants ce qu'on fait."

Le jeune "décorateur" était du nombre lors des trois offensives du groupe, les 26 septembre, 4 et 5 octobre. Il a d'ailleurs expliqué, hier, que les deux premières attaques avaient été réussies mais que la troisième avait avorté parce que le propriétaire de la compagnie Euromobile international, qui opère une flotte d'une douzaine de camions-pubs, suivait la publicité sur roues. Dès que les Décorateurs engagés ont glissé une planche cloutée devant le camion, le propriétaire s'est précipité sur la seule personne qui n'était pas en vélo et l'a immobilisée. Il a ensuite téléphoné à la police qui a embarqué le jeune. Ce dernier a été libéré mais une enquête est en cours.

"Vous savez, a tenu à préciser notre contact, on ne veut pas passer pour des jeunes voyous. Il y a un message politique derrière nos actions. Oui, ce qu'on fait c'est du vandalisme. On n'a pas peur de le dire. Mais du vandalisme, il en faut parfois pour faire avancer les choses."Des camions seulement

Malgré les ressemblances avec l'organisation underground Splat-Montréal, dont l'hebdomadaire Ici a révélé l'existence récemment, les Décorateurs affirment n'avoir rien à voir avec elle. Splat met toutes ses énergies à barbouiller de peinture les babillards publicitaires alors que les Décorateurs s'en tiennent aux camions publicitaires pour cibles.

"Les camions-pubs, en plus de constituer une forme de pollution supplémentaire, sont le summum du capitalisme sauvage, déplore le jeune activiste. Malgré cela, il n'y a eu aucune consultation publique, aucun débat sur leur présence au centre-ville."

C'est pourquoi les Décorateurs tenteront prochainement de rassembler, dans le but de manifester publiquement ce mécontentement, une soixantaine de personnes. Pour que les passants voient le message derrière les taches de peinture, des mises en scène seront organisées afin de montrer l'absurdité de ces véhicules dont la seule fin est de trimballer une publicité à la grandeur du centre-ville.

"Si on ne fait que susciter un débat, ce sera une énorme victoire pour nous. On sait que ça n'arrêtera pas du jour au lendemain, on souhaite seulement que les gens réagissent."

 

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Journal Le Quartier libre

Portrait de groupe: Les Décorateurs engagés
Vandalisme socialement responsable?

[par Judith LUSSIER]
20.11.02

Vous en avez assez de la publicité qui vous traque jusque dans les toilettes? Vous êtes inquiets quant à l’intégrité de votre liberté de pensée? Les Décorateurs engagés, eux, imposent leur alternative en maculant les camions publicitaires montréalais.

Depuis quelques semaines, un nouveau mouvement militant, les Décorateurs engagés, a déclaré la guerre aux camions publicitaires qui sillonnent la ville. Il s’agit pour les Décorateurs d’entrer en résistance contre les «panneaux autoritaires».

Une fin qui justifie les moyens

Pour les Décorateurs engagés, il convient de déranger, d’ouvrir le débat, et la bonne façon de procéder est d’attirer l’attention des médias. Comment? Jusqu’à maintenant, ils ont immobilisé des camions publicitaires en menaçant leurs pneus de planches cloutées et les ont barbouillés. Si ces actions peuvent paraître violentes, Z.A., l’un des membres (qui tient à garder l’anonymat) de l’association illégale se veut rassurant. «Jusqu’à présent, personne n’a été blessé.» Il estime dommage d’en être arrivé là, mais affirme «qu’aujourd’hui on n’a pas le choix d’employer des moyens aussi draconiens pour attirer l’attention des médias. Envoyer des lettres, ça ne donne rien, il y en a tellement…»

Mobilisation 101

Les Décorateurs engagés ne sont pas les seuls à s’attaquer à la publicité à Montréal, d’autres groupes tels SPLAT Montréal, Le NAPALM, Le FLICA, Le Clan Destin et sans doute encore bien d’autres vandalisent les panneaux publicitaires. Selon Z.A., il faut une signature pour se distinguer des simples vandales et faire passer un message clair. Pour lui, il est important de se réunir sous un nom qui regroupera cette cause précise, car plusieurs actions sont posées mais pas de façon concertée .

Le manifeste des Décorateurs engagés témoigne de la triple volonté de s’en prendre à la fois à la pollution de l’air (les camions), la pollution visuelle (la publicité) et bien sûr à la pollution idéologique (son contenu).

Attention toutefois aux esprits sensibles accoutumés au politiquement correct. Le tract ne mâche pas ses mots lorsqu’il explique l’indignation du groupe face au fait que «les jeunes filles pour Noël demandent de nouvelles paires de seins et les gais de nouveaux muscles…» à cause d’une publicité qui «colonise nos esprits».

Cette généralisation presque aberrante, témoigne toutefois de l’urgence qui anime les membres de l’association. Celle-ci tentera de faire intervenir davantage encore le public dans ses prochaines actions. «Plus on est et plus ça a d’impact», comme le dit Z.A., qui prévoit de rendre l’organisation plus sérieuse en frappant à des moments précis, en prenant des photos et en contactant les médias. Pour l’instant, le film SPLAT, dans lequel les Décorateurs engagés apparaissent à l’œuvre, est disponible auprès du collectif des Lucioles dont la prochaine soirée de projections de films aura lieu le 27 novembre.

 

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